Approvisionnements réalisées par les sociétés minières: le Burkina Faso n’a pu capter que 15% des 400 milliards de francs CFA engrangés par an

Approvisionnements réalisées par les sociétés minières: le Burkina Faso n’a pu capter que 15% des 400 milliards de francs CFA engrangés par an

SECRÉTAIRE PERMANENT DE L’ITIE AU BURKINA FASO

NOTE D’APPUI A LA PARTICIPATION DU BURKINA FASO AU FORUM RÉGIONAL SUR LA CAMPAGNE DES 30% ET LE RENFORCEMENT DES MÉCANISMES DE LA MOBILISATION DOMESTIQUE DES RESSOURCES ET DU CONTENU LOCAL EN AFRIQUE DE L’OUEST

CONTEXTE

Pays à fort potentiel minier, le Burkina Faso a produit en 2021 66,86 tonnes d’or industriel et exporté 67,09 tonnes d’or. Le secteur a pesé 13,3% en moyenne chaque année dans les recettes budgétaires hors dons entre de 2017 et 2021 et a atteint un poids de 19,5% en 2021. Les produits miniers constituent l’essentiel des exportations du pays. En effet, sur la période 2017-2021, les produits miniers ont représenté en moyenne chaque année 76,8% de l’ensemble des exportations. En 2021, le secteur minier a représenté 82,5% des exportations. Aussi, la valeur ajoutée du secteur extractif a presque triplé en cinq ans, passant de 607,6 milliards de FCFA en 2017 à 1820,2 milliards de FCFA en 2021, contribuant ainsi au PIB annuel de 13,0% en moyenne[1].

L’industrie minière occupe donc dans une place importante dans la mobilisation des recettes publiques et constitue aujourd’hui, un puissant levier de développement économique pour le pays. Au-delà de la contribution directe au budget de l’Etat, l’industrie minière constitue aussi une réelle opportunité de développement de l’économie locale à travers l’achat des produits locaux nécessaires au fonctionnement de la mine.

L’avènement du boom minier a suscité chez les populations riveraines des mines et les entrepreneurs nationaux l’espoir de tirer profit de l’implantation des mines par la fourniture des biens et services. Dix ans après, le constat est alarmant. La captation des retombées de ce secteur stratégique est encore attendue.

C’est pourquoi, le Burkina Faso a, en 2015, apporté des améliorations à son cadre juridique afin de renforcer les mesures de protection de l’environnement minier, la contribution des mines aux recettes de l’État et au développement local.

Pour ce qui est de la maximisation des revenues de l’Etat (recettes fiscales et douanières), on a :

  • l’alignement du taux de l’impôt sur les bénéfices au taux de droit commun à 27,5% au lieu de 17,5% dans le code de 2003 ;
  • l’affirmation du caractère prioritaire des dividendes de l’État issus de sa participation gratuite de 10% au capital des sociétés d’exploitation industrielle ;
  • l’institution d’une taxe minière proportionnelle sur la valeur des transactions portant sur les titres miniers (transfert, transmission, cession) ;
  • l’enregistrement des contrats des sous-traitants auprès de l’Administration fiscale.

Quant à la prise en compte des intérêts des communautés, il convient de retenir :

[1] Chiffres issus du rapport de cadrage du rapport ITIE 2021, fourni par la DGEP

  • la création d’un Fonds Minier de Développement (FDML) au profit des régions et des communes, alimenté par 20% des redevances proportionnelles collectées et 1% du chiffre d’affaires des sociétés d’exploitation minière ;
  • la meilleure affirmation de l’obligation de respecter les droits de l’homme et du genre dans l’exercice de l’activité minière ;
  • la meilleure définition du contenu de la Responsabilité Sociale des Entreprises minières ;
  • la préférence accordée aux fournisseurs locaux de biens et services et l’adoption à cet effet, d’une « politique nationale » assortie d’une stratégie ;
  • la valorisation des compétences locales et meilleure prise en compte des achats locaux et de la protection des travailleurs nationaux ;
  • l’exigence faite à tout demandeur de permis d’exploitation industrielle de fournir un plan de formation et de promotion des nationaux dans les sociétés d’exploitation minière.

Ainsi, la plupart des aspects d’amélioration des retombés du secteur extractif pour nos populations sont pris en compte. Il reste l’application effective de ces dispositions sur le terrain.

Il est important de souligner que l’ITIE Burkina Faso a pleinement contribué aux reformes constatées dans le secteur extractif Burkinabè à travers la mise en œuvre des recommandations issues des rapports ITIE. Les multiples actions ont permis d’améliorer la transparence dans le processus interne de production et de divulgation des informations des parties prenantes.

Par ailleurs, selon une étude conjointe réalisée par la Chambre des mines et le Ministère des mines en 2018 (Etudes d’analyse des écarts entre les opportunités de fournitures locales aux sociétés minières et la capacité des fournisseurs locaux) : « pour l’ensemble des approvisionnements réalisées par les sociétés minières, le Burkina Faso n’a pu capter que 15% de ce montant qui est pourtant de plus de 400 milliards de francs CFA par an. » Ces chiffres démontrent, si besoin en est, que le Burkina Faso a un manque considérable à gagner dans son secteur minier.

Cet écart peut-il se justifier par une incapacité des fournisseurs locaux à satisfaire les besoins des industries minières ? La question fait l’objet de débats récurrents lors des foras entre l’association des fournisseurs des biens et services miniers et les responsables des entreprises minières.

Dans le but de renforcer son intervention, le Gouvernement du Burkina Faso a élaboré une stratégie nationale du contenu local dans le secteur minier 2021- 2025

La vision de cette stratégie s’énonce comme suit : « A l’horizon 2025, le secteur minier constitue un levier de croissance économique durable et inclusive à travers la création d’emplois locaux et l’émergence d’entreprises nationales compétitives ».

L’objectif global de la stratégie est de « promouvoir le contenu local dans le secteur minier en vue d’accroître son impact sur l’économie nationale ». Partant de cet objectif global, les impacts attendus de la mise en œuvre de la SN-CLM sont :

  • l’augmentation de la proportion des achats locaux de biens et services dans la consommation du secteur minier à 30% à l’horizon 2025 ;
  • l’augmentation des emplois nationaux directs et indirects dans le secteur minier pour atteindre à terme 100 000 emplois.

La dynamique de la fourniture locale pourrait être impulsée par nos Gouvernements en améliorant le cadre juridique pour davantage réglementer la sous-traitance et les partenariats, les contrats d’approvisionnement en hydrocarbures et lubrifiants, la consultance et l’expertise de services socioéconomiques, environnementaux, juridiques, fiscaux, comptables et financiers. Dans ces domaines, la réglementation pourrait exiger qu’un pourcentage soit affecté aux entreprises et compétences nationales qualifiées.

Il s’agira également de mettre en place des mécanismes de soutien aux fournisseurs locaux. Ce mécanisme pourrait porter sur deux grands volets que sont : l’organisation des fournisseurs en coopérative ou tout autre forme pouvant rendre les acteurs plus compétitifs et la mise en place de fonds adaptés à leurs activités.

Un autre aspect important, est la mise en place par les gouvernements de processus rigoureux de qualité dans le circuit de mise en marché des produits alimentaires et agroalimentaires.

Il est bon de relever qu’il existe une interrelation entre le contenu local et la mobilisation des ressources domestiques. En effet, plus des parts de marché sont octroyés aux entreprises nationales, plus leur résultat s’améliorent et plus les impôts qu’elles paient augmentent. C’est dire qu’en mettent l’accent sur le contenu local, nous arriverons certainement à accroitre les ressources internes issues du secteur extractif.

Je salue la tenue de cette rencontre sous-régionale qui permettra de partager les expériences et harmoniser nos visions sur les thématiques abordées. Je reste convaincu que c’est ensemble que nous pourrons relever le défi du développement à travers une gestion transparent du secteur extractif.

Annexe sur le décret sur la fourniture local

Pourquoi un décret sur le contenu local ?

Le décret est pris en application des dispositions de l’article 101 de la loi n°036-2015/CNT du 26 juin 2015 portant Code minier du BURKINA FASO, le présent décret fixe les conditions de la fourniture locale dans le secteur minier. Il vise à promouvoir et à développer la fourniture locale des biens et services dans le secteur minier.

 

A qui s’applique le décret ?

Le décret s’applique :

  • aux titulaires de titre minier ou d’autorisation ainsi que leurs sous-traitants;
  • aux personnes physiques ou morales fournissant des services et/ou des biens aux entreprises minières

 

Qui est fournisseur local ?

  • Le fournisseur local est une personne morale burkinabè. Il se définit comme étant un groupement de personnes ou de biens disposant de la personnalité juridique, de droit burkinabè et dont le capital social appartient à au moins 51% à des personnes physiques ou morales de nationalité burkinabè et dont le bénéficiaire effectif est Burkinabè
  • Quant à la fourniture locale, elle de définit comme étant l’ensemble des actions portant sur la promotion des capacités nationales dans la fourniture des biens et des services locaux ;
  • Le terme local renvoie au territoire national.

 

Quels sont les obligations assignées aux société minières en termes de prestations de services et fournitures de biens ?

  • Les entreprises minières et leurs sous-traitants opérant au Burkina Faso accordent à des personnes physiques ou morales burkinabè tout contrat de prestations de services ou de fournitures de biens conformément à la liste des biens et services fournis aux entreprises minières, adoptée par arrêté interministériel des ministres chargés des mines, de l’économie et du commerce.
  • Les entreprises minières et leurs sous-traitants fournissent à chaque début d’année et ce, au plus tard en fin mars, à l’administration des mines, la liste de leurs prestataires de services et la liste de leurs fournisseurs de biens.

Cependant, en cas d’impossibilité des prestataires ou fournisseurs locaux à satisfaire aux besoins des entreprises minières et de leurs sous-traitants, ceux-ci peuvent être autorisés par l’Administration des mines à s’approvisionner sur le marché extérieur.

Aussi, la liste des biens et services ainsi que les quotas y afférents sont révisables chaque année par l’administration des mines.

Quelques exemples de biens et services dont les entreprises minières sont tenues de respecter les proportions à minima au profit des personnes physiques ou morales burkinabè. L’arrêté fournit une liste de 50 services et de 16 biens avec les proportions spécifiques à chaque type de bien ou de service.

Extrait du tableau des biens et services (non exhaustif).

 

Comment se fait le suivi de l’évolution de la fourniture locale au Burkina Faso ?

  • Les entreprises minières et leurs sous-traitants fournissent chaque année à l’Administration des mines et ce, au plus tard en fin décembre, leur plan d’approvisionnement de biens et services de l’année N+1.
  • Toute modification ou tout changement de ce plan est notifié à l’Administration des mines dans le mois suivant la modification.
  • Les entreprises minières et les sous-traitants fournissent chaque début d’année à l’Administration des mines et ce, au plus tard en fin mars, leur rapport d’exécution du plan d’approvisionnement de l’année N-1.

 

Quelles sont les sanctions encourues par les sociétés qui ne respects pas les textes en matière de fourniture locale ?

Le non-respect des dispositions du décret et son texte d’application est sanctionné par :

  • une amende correspondant au montant de la part des prestations de services ou de fourniture de biens non exécutée par les personnes physiques ou les personnes morales burkinabè, sans mise en demeure ;
  • une amende de soixante-quinze millions (75 000 000) de francs FCFA pour non transmission du plan d’approvisionnement de biens et services ou pour non transmission du rapport d’exécution dans les délais requis, après une mise en demeure de (07) jours francs restée sans suite. L’amende est majorée de 25% par jour de retard ;
  • une amende de (200 000) en cas de récidive. L’amende est majorée de 25% par jour de retard.

Les violations des dispositions du décret et de ses textes d’application, sont constatées par l’Administration des mines ou par toute autre structure habilitée de l’Etat.

 

Quant est ce que ce texte prend effet ?

Les entreprises minières et leurs sous-traitants sont tenus de se conformer aux dispositions du présent décret à compter du 1er janvier 2022.

Les entreprises minières et leurs sous-traitants peuvent obtenir une dérogation sur des contrats liés à des prestations spécifiques en cours d’exécution, au-delà du délai prévu dans l’alinéa premier du présent article. Ils soumettent dans ce cas à l’Administration des mines une demande motivée.

 

 

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