Mesures Sociales à 597 milliards FCFA? Pourtant, le gouvernement n’a presque rien concédé à sa population

Mesures Sociales à 597 milliards FCFA? Pourtant, le gouvernement n'a presque rien concédé à sa population

La crise sanitaire du Coronavirus pouvait être mieux gérée si le gouvernement avait associé certaines composantes de la société comme les partis politiques de l’opposition, la société civile, les enseignants, les étudiants, les leaders religieux en un mot toutes les composantes de la nation doivent former un front uni en tenant compte des réalités du pays, ce qui se passe en occident ne peut pas être plaqué ici, car nous sommes dans des sociétés où l’esprit de communautarisme prime sur des actions individualistes.

Dans un premier temps les mesures et la communication gouvernementale n’ont pas été évolutives afin de permettre à la population de prendre conscience graduellement de la gravité de la situation comme cela s’est fait dans les pays occidentaux. On a plutôt pensé que l’ensemble des mesures sanitaires découle d’une imitation aveugle du dispositif de certains pays. Toutefois le gouvernement a été très habile et a su mesurer les conséquences d’une éventuelle fermeture des marchés, car la majorité de la population vit au jour le jour. En effet, une fermeture des marchés peut avoir un impact sur la stabilité du gouvernement, plus grave sur la stabilité du pays car un ventre qui a faim n’a pas d’oreilles a-t-on coutume de dire.

Pour revenir sur certaines mesures maladroites et non mesurées on peut notamment citer celle ayant conduit à la fermeture de toutes les mosquées alors que les marchés demeurent ouverts. De notre avis, quelques lieux de cultes auraient dû être maintenus ouverts et peuvent encore l’être avec des dispositifs pour la désinfection comme cela se fait actuellement dans les marchés. On peut aussi suggérer aux fidèles de maintenir la distance de sécurité d’un mètre, etc. Il y va de la stabilité du pays. Certes, quelques marabouts ont été interpellés par la police judiciaire, mais cela n’est toujours pas dissuasif.

De la vingtaine de mesures annoncées on relève uniquement trois (3) mesures dites sociales du Président de la République. Concernant celle de la remise gracieuse de peines en faveur de 1540 détenus, il s’agit d’une recommandation de l’ONU, en conséquent elle ne découle pas de la volonté du gouvernement. S’agissant des deux (2) autres mesures sociales pour atténuer les conséquences de la crise sociale, on remarque qu’elles sont tout simplement inutiles car elles ne touchent qu’un nombre très infime de la population. S’agissant de la prise en charge par l’Etat des factures d’électricité et d’eau pour les mois d’Avril et Mai, pour les tranches sociales, il est à ce niveau important de savoir que seulement 4 911 276 nigériens sont dans des localités couvertes par l’électricité, alors que seule 10.2 % de la population sur les 22 millions ont accès à l’électricité en 2016, soient quelques deux (2) millions de nigériens. (Source : prospectus d’investissement de l’énergie durable pour tous : SeforALL-Niger). De ces deux (2) millions de nigériens qui consomment l’électricité, le Président de la République parle de la tranche sociale qui selon la société Nigérienne d’Electricité (NIGELEC) consomme entre 1 et 50 kw par mois. Soit moins de 1500 francs CFA par mois. Cette même réalité est applicable concernant les factures d’eau.

Pour ce qui est de la troisième mesure relative à la distribution gratuite et à la vente à prix modéré des denrées alimentaires pour soutenir les personnes vulnérables on ne dispose d’aucun détail sur la période que durera cette mesure, les lieux et le mode de sélection des démunis qui en bénéficieront. Là encore, nous reprochons au gouvernement d’avoir fait du plagiat d’autres pays comme le Sénégal ou encore le Burkina Faso, qui eux en revanche ont été explicites et transparents sur l’ensemble des mesures adoptées. D’ailleurs, le conscient collectif nigérien a souvenance des ventes à prix modérés qui ont toujours été détournées par les hommes politiques et les commerçants acquis au pouvoir. Les populations vulnérables ne sont ni connues ni vraiment destinataires de ces aides, elles sont toujours détournées.

Concernant précisément l’économie du pays, le Président de la République dit qu’elle sera affectée et demande au Gouvernement de prendre une quinzaine de mesures dont aucune n’a une incidence financière sur la majorité de la population qui est rural (80%) à plus forte raison et encore moins sur la classe moyenne. Mais, qu’on se rassure ces mesures sanitaires démontrent une fois de plus l’entrain du gouvernement à élaborer des politiques en faveur de ses commerçants tout en dédouanant les insuffisances de ses fonctionnaires.

 Pour ce qui est de l’exonération des droits et taxes sur tous les produits qui entrent dans le cadre de la lutte contre le COVID-19 (masques, gel hydro alcoolique etc.), au lieu de constater une baisse des prix on relève plutôt une surenchère, et l’Etat n’a mis aucun dispositif efficace de régulation des prix.

 S’agissant de la mise en place des facilités de crédit d’enlèvement pour tout importateur qui le souhaite pour une durée de 15 à 90 jours, moyennant la production d’une caution bancaire, il n’est un secret pour personne que seuls les alliés du parti au pouvoir ont accès aux marchés. D’ailleurs, pourquoi cette mesure alors que le transport de marchandises n’a pas été interdit et le passage aux frontières n’a pas été interdit pour les marchandises.

 Relativement au report de la date de paiement de la vignette à fin Juin 2020 au lieu du 31 Mars 2020, nous rappelons ici que bien avant la crise sanitaire le gouvernement de la 7ème République a maintes fois démontré son incapacité à mettre à la disposition des automobilistes des vignettes dans des délais impartis, même si cela est une source de revenus. Et cela n’a aucune incidence sur le montant régulièrement déboursé par le contribuable.

 Concernant la suspension des contrôles fiscaux sur place pendant deux (2) mois à compter du 1er Avril 2020 : On se demande qu’elle est l’impact financier pour les ménages nigériens ? Aucun, en effet! Toutefois, l’administration publique étant au ralenti, il est normal que des agents ne soient pas disponibles pour effectuer les contrôles, qui reprendront d’ailleurs dans deux (2) mois…

 Pour l’exonération de la TVA sur le transport terrestre interurbain pendant toute la durée de la suspension de l’activité et le report au 1er Mai au lieu du 31 Mars du paiement de l’impôt synthétique, là encore le coût n’a pas baissé, loin de là il y a plutôt de la spéculation sur les prix du transport, et le gouvernement ne dispose d’aucune manœuvre réaliste de vérification et de mise en œuvre.

 S’agissant de l’hôtellerie : application d’un taux réduit de 10% en matière de TVA tel que prévu par les directives de l’UEMOA, application d’un taux d’amortissement de 5% au lieu de 2% et exonération de l’IMF au titre de l’exercice 2019. Ils sont au nombre de combien les Hôteliers ?

 Pour les agences de voyage, suspension des poursuites en matière de recouvrement des impôts et taxes pendant trois (3) mois, soit jusqu’au 20 Juin 2020. Elles sont au nombre de combien sur toute l’étendue du territoire? Et la suspension ne sous-entend pas abolition, mais plutôt un cumul !

 Pour les bars et débits de boisson, suspension des poursuites en matière de recouvrement des impôts et taxes pendant deux (2) mois, à compter du 1 er Avril 2020. La suspension ne sous-entend pas abolition, mais plutôt un cumul !

 Pour les sports et loisirs, suspension des poursuites en matière de recouvrement des impôts et taxes pendant deux (2) mois à compter du 1er Avril 2020. La suspension ne sous-entend pas abolition, mais plutôt un cumul aussi !

 Concertation avec les opérateurs économiques et au besoin encadrement des prix pour contenir l’inflation. Depuis plusieurs jours tous les prix des denrées alimentaires ont augmenté d’une façon drastique et sous le silence complice du gouvernement qui faut-il le rappeler ne dispose pour le moment d’aucun moyen légal et efficace de contrôle des prix. D’ailleurs, ce type de politique s’effectue sur le long terme et non se réveiller un beau matin comme c’est le cas et décider de ce qu’il faut faire. Pourtant, au court des neuf (9) dernières années passées au pouvoir, le gouvernement a manqué plusieurs occasions d’asseoir une politique d’encadrement des prix pour soulager la population, mais ironiquement l’intérêt des commerçants qui contribuent aux campagnes électorales a toujours primé !

 Enfin, du recrutement de 1500 agents de santé : C’est une mesure à saluer, le gouvernement aie des difficultés à honorer ses devoirs en matière de paiement de salaire. Toutefois, il laissera ce problème de gestion à la prochaine république.

Certes la quinzaine de mesures économiques suppose des coûts, mais en analysant de très près, on se rend compte que le gouvernement n’a presque pas concédé de droit financier à la population et encore moins aux commerçants. Dans l’ensemble, ces mesures consistent principalement à suspendre les droits financiers de l’Etat pour une durée de deux (2) mois, consécutive à un manque d’effectifs de fonctionnaires. L’Etat recouvrira tous ses droits quand l’administration reprendra son fonctionnement normal. Dans ce contexte nous sommes en droit de nous demander comment l’Etat du Niger peut prétendre que l’ensemble des mesures fait l’objet d’un plan de riposte dont le montant est estimé à 597 milliards de FCFA. Paradoxalement et plus frappant encore, ce budget de la crise sanitaire est quelque peu équivalent aux recettes fiscales annuelles du pays. En effet, si la loi de finance 2020 fixe les recettes et les dépenses de l’Etat à 2.236 milliards, il n’en demeure pas moins que l’opposition a toujours dénoncé cette manœuvre du gouvernement de doubler le budget national qui selon elle ne dépasse pas les 1000 milliards de Francs CFA, avec quelques 500 milliards mobilisés par l’Etat en terme de recettes et 500 milliards en terme d’aide au développement. Et, l’opposition souligne que le gouvernement s’adonne à cette pratique pour justifier sa capacité de rembourser d’éventuels prêts auprès des marchés financiers. D’ailleurs, à l’occasion de son message à la nation, du 06 avril 2020, consacrant son bilan de neuf (09) ans, le Président de la République affirmait qu’entre 2011 et 2019 les recettes internes et externes s’élèvent à 11.546 milliards de FCFA.

Sur le court et moyen terme il faut que le gouvernement songe aux travailleurs de nuit, du secteur des transports dont les maigres économies vont s’épuiser, mais à niveau également il est difficile, voire impossible de recenser efficacement cette tranche de la population. Notons que sur la même période ni le monde rural, ni la classe moyenne ne peut supporter cette flambée des prix sans une mesure d’allègement réelle du gouvernement, on peut déjà déduire que la qualité des repas qui laisse déjà à désirer laissera place au seul besoin de se nourrir, la famine qui guettait déjà plus de deux (2) millions de la population va s’étendre à d’autres couches sociales. Dans quelques jours le Ramadan s’installera avec une autre flambé des prix des denrées alimentaires.

Nous doutions fort qu’à court terme l’Etat puisse se doter d’un dispositif adapté de sortie de crise sanitaire qui aura des allures d’aides humanitaires, car de tradition, le gouvernement de la 7ème République avait délaissé les secteurs sociaux de base aux institutions internationales, plus grave les investissements propres de l’Etat sont aux arrêts depuis 2016. La tension de trésorerie n’aidant pas il était prévisible que le Président de la République se saisisse de cette crise pour effectuer jusqu’à deux (2) discours en moins d’une semaine sur le Corona Virus alors que le Niger enregistre l’un des taux d’infection les plus bas au monde…

Samira Sabou (MIDES-NIGER.COM)

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