En fermant les yeux sur certains trafics, le Niger a préservé une paix fragile. Pour combien de temps ?

En fermant les yeux sur certains trafics, le Niger a préservé une paix fragile. Pour combien de temps ?

C’était la plaque tournante des migrants désireux de se rendre en Europe. Les passeurs avaient pignon sur rue, tout comme une foultitude de petits métiers liés aux voyages. Dans un contexte économique difficile, marqué par la chute du tourisme et le déclin de l’extraction d’uranium, il ne restait plus pour survivre que cette activité informelle. Ainsi, Agadez est devenue jusqu’en 2015 la capitale de la migration illégale. 

« Le transport des migrants vers l’Afrique du Nord via le Niger était une profession lucrative et socialement acceptable », explique l’International Crisis Group. On comptait en ville une cinquantaine d’agences de voyages pour migrants. Un réseau qui s’étendait à l’Ouest jusqu’au Sénégal, au Sud vers le Nigeria et le Ghana.

Passeur : une profession lucrative

Ces agences faisaient vivre beaucoup de gens. Les propriétaires des véhicules, les chauffeurs, les guides, les responsables de la logistique et du ravitaillement. Un chauffeur, selon le HCR, pouvait gagner 5 000 dollars pour un voyage en Libye. Une fortune dans un pays où près de la moitié de la population vit avec moins de 2 dollars par jour.

Au plus fort du trafic, 700 véhicules prenaient la route chaque semaine chargés d’une trentaine de personnes. L’Etat tolérait ce trafic qui rapportait près de 100 millions de dollars par an à la région.

Fin de partie en 2015. L’Union européenne signe un accord avec le Niger. Un fonds doté d’1,88 milliard d’euros, dont plus de 500 millions pour le Niger, est créé pour endiguer les flux migratoires. Il s’agit de renforcer les contrôles aux frontières, mais aussi d’aider à l’emploi local.

Le trafic des migrants devient illégal, et pour Agadez, c’est la ruine. Selon l’Union européenne, les migrants ne traversent plus le Niger. En quelques mois, leur nombre est passé de 70 000 à 1 500.

La ruée vers l’or

Exploité dans la région du Djado, dans l’extrême Nord du pays, puis sur le site de Tchibarakaten dans l’Aïr, l’or va apporter une partie de solution au problème. Les 600 puits de mine vont offrir du travail à une dizaine de milliers de mineurs, créant à nouveau une économie de services. L’or permet pour l’heure de compenser la chute du nombre de passages des migrants.

L’Etat nigérien, comme auparavant, navigue entre formel et informel. Il gère l’extraction, taxant les mineurs, concédant les mines. Il protège le commerce. « Plus de 200 gendarmes et troupes des forces armées nigériennes assurent la sécurité. Une fois par semaine, l’armée escorte un convoi de 50 Landcruisers (véhicules NDLR) transportant de l’or jusqu’au point de transit le plus proche, Arlit, au Sud », explique l’International Crisis group.

Un équilibre subtil permet de maintenir le calme et d’assurer les revenus des uns et des autres. Les trafiquants et l’Etat y trouvent leur intérêt. Dans les lieux où il est faible, l’Etat central ferme les yeux sur les trafics, laissant aux caïds locaux le soin de gérer la situation.

Les touaregs aux affaires

L’autre aspect essentiel est d’avoir nommé des touaregs à des postes importants, comme celui de chef d’état-major de l’armée. Les élites touaregs ont soutenu Niamey et cela a évité la propagation du conflit malien dans le nord du Niger.

Mais ce fragile équilibre est menacé à l’extrême Nord par la minorité Toubou. Ces derniers se considèrent comme oubliés par l’Etat, qui préfère traiter avec les Touaregs. Or, les deux groupes ethniques sont en rivalités pour le contrôle du trafic de drogue et celui des armes, notamment vers la Libye. Faute d’un pouvoir fort, le banditisme sévit, conduisant à la création de groupes d’autodéfense.

Migrants et drogue, deux problématiques aiguës pour les pays de l’Union européenne. Au point de vouloir interférer dans les politiques locales. L’équilibre est pourtant fragile. D’autant qu’une autre menace apparaît. Cette fois, le sud du Niger est entré dans la tourmente. Les mouvements jihadistes y font des incursions de plus en plus fréquentes et meurtrières.

C’était la plaque tournante des migrants désireux de se rendre en Europe. Les passeurs avaient pignon sur rue, tout comme une foultitude de petits métiers liés aux voyages. Dans un contexte économique difficile, marqué par la chute du tourisme et le déclin de l’extraction d’uranium, il ne restait plus pour survivre que cette activité informelle. Ainsi, Agadez est devenue jusqu’en 2015 la capitale de la migration illégale. « Le transport des migrants vers l’Afrique du Nord via le Niger était une profession lucrative et socialement acceptable », explique l’International Crisis Group. On comptait en ville une cinquantaine d’agences de voyages pour migrants. Un réseau qui s’étendait à l’Ouest jusqu’au Sénégal, au Sud vers le Nigeria et le Ghana.

Jacques Deveaux

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