Effets de mode dans les programmes pour le développement de la micro-entreprise

Effets de mode dans les programmes pour le développement de la micro-entreprise

Source: Paolo Giglio/ Crédits Photos Samira Sabou

La mode est désormais au développement de l’entreprise. Alors qu’il y a 10 ans seulement les bailleurs de fonds me disaient « secteur privé ? On ne peut pas s’occuper de tout », maintenant tous les donateurs sont là-dessus. Finalement le secteur commence à être valorisé, enfin certains diplômés et autres n’attendent plus uniquement de devenir salariés, dans le privé ou le public. Les risques d’effets négatifs sont quand même importants, tout comme dans d’autres secteurs d’intervention.

La base de l’appui est l’accompagnement, suivre pas à pas l’entreprise sur plusieurs années et pas seulement sur quelques mois. La plupart des projets ne durent que peu de temps, et ne peuvent pas bénéficier d’un accompagnement pendant une période suffisante qu’on pourrait évaluer de 4 à 5 ans au minimum pour une entreprise.

Il est important d’être capable de transcender l’étape des idées du projet, de parvenir à mettre en œuvre des processus d’autocritique constante et de revoir en continu les activités en capitalisant les expériences passées pour modifier l’approche.

Accompagner / incuber / promouvoir / soutenir, etc.

Toutes ces actions ne doivent pas uniquement se résumer à des séances dans des salles fermées ou des formations de quelques jours.  A titre d’exemple, en ‘’Accompagnant’’, il faut laisser l’entrepreneur effectuer des erreurs, car, quand quelqu’un est convaincu de son idée la seule formation est de le laisser se faire mal pour qu’il comprenne. En ‘’Accompagnant’’ il faut aussi être prêt à soutenir après une erreur, si l’erreur a été faite en bonne foi. Celui qui ‘’Accompagne’’ n’impose jamais un processus mais le met en œuvre avec le bénéficiaire.

 

Un parcours reste un parcours, il a un début mais n’a pas de fin

 

‘’Accompagner’’ c’est aussi être capables d’une grande discrétion. En effet, pourquoi une micro-entreprise devrait-elle dévoiler ses profits publiquement? N’oublions pas que dans le système social où nous sommes, toute personne qu’on pense « enrichie » est aussi plus ou moins obligée de partager ses gains avec la famille.

 

‘’Accompagner ‘’ c’est aussi être capable de dire non à une entreprise qui ne produit rien d’intéressant pour le pays. Par exemple une entreprise qui propose l’irrigation à distance par internet n’est pas à appuyer parce que, l’idée tout en étant très bonne et déjà appliquée sous d’autres cieux, n’est pas adaptée au pays en ce moment où on a besoin d’occuper beaucoup de personnes et les connexions internet fonctionnent si mal que cela ne serait réalisable que dans certains endroits très précis.

Une entreprise qui fait des semblants de formations uniquement pour enrichir son promoteur en distribuant des attestations inutiles n’a pas à être appuyée.  Une entreprise qui dégrade l’environnement n’a pas à être appuyée.

 

Le discernement est un des prémisses de ‘’l’Accompagnement’’

Il faut une analyse de l’environnement, de faisabilité technique et d’opportunité économiquement. Il faut se demander si c’est une  opportunité pour le pays, l’environnement, le genre, etc. ? Celle qu’on appelle aujourd’hui « économie frugale » devrait être un des postulats.

Les technologies doivent être appropriées, les simples que possible, adaptées au milieu  pour générer davantage d’emplois. La priorité devrait axée vers les entreprises qui ont des retombées positives sur le monde rural ou qui sont socialement bénéfiques. L’effet négatif serait évidemment celui d’un accompagnement trop direct, trop court, trop scolaire et qui trop souvent ne tient pas compte de la société dans laquelle vit l’entreprise ni des réels besoins socio-économiques du pays. On ne peut pas avoir la même approche dans deux pays différents et parfois même dans deux régions différentes du même pays.

L’approche peut différer même d’une micro-entreprise à une autre

L’approche, sur le terrain, peut différer d’une micro-entreprise à une autre. Quoi qu’en pensent les puristes des méthodologies globales, nous ne construisons pas un immeuble de briques et ciments, éléments inanimés.

Nous travaillons avec des êtres humains avec toutes leurs qualités et leurs défauts. Le chemin peut être différent selon la personne qui est devant nous, son histoire, son cursus scolaire, ses expériences, etc. Les projets, probablement parce qu’ils ne tiennent pas compte des réalités, veulent avoir dans ce domaine une réussite à 100 %. Cela n’est pas possible. Une réussite à 100 % ne peut être obtenue que quand on fait une route ou un pont, et encore! En Europe 80 % des nouvelles entreprises ferment deux (2) ans après leur ouverture.

Il faut donc inscrire les désistements et les faillites dans les listes des appuis donnés, parce qu’on y a passé du temps et utilisé des ressources, tout en intégrant des nouveaux en continu. N’oublions pas qu’on peut tenter de tout prévoir, mais on est loin de pouvoir présager, par exemple, les aléas du marché, même sur une seule année. Cela indique une fois de plus que ce travail devrait être fait par des structures privées nationales dynamiques, compétentes et pragmatiques, seules garantes de durabilité, et non pas par des projets de développement qui devraient rester en appui externe à ces mêmes structures.

 

Toute micro-entreprise devrait commencer avec un effort personnel

Le fait même de prononcer le mot « projet » dans certains milieux est synonyme de « on ne fait plus rien, l’aide est là »… effets pervers d’une économie de « projets ». Le financement devrait démarrer à… zéro.

Toute micro-entreprise devrait commencer avec un effort personnel sans appui externe. On trouve bien des millions pour se marier, on peut donc trouver un cinquante mille Franc CFA pour démarrer une micro-entreprise. Celui qui veut être mécanicien doit commencer par laver des voitures ou faire des petites réparations. Celui qui veut faire du maraîchage peut commencer avec quelques mètres carrés chez lui ou en demandant quelques mètres carrés auprès d’une connaissance.  Commencer à faire des beignets ne demande pas plus de 10.000 Franc CFA, etc. etc.

Le financement ne viendra qu’après et par étapes autant petites que possible. Certes le besoin d’un équipement en photocopieuse ou en pompe solaire ne pourra pas être partagé en tranches. Mais il faudra trouver toutes les bornes possibles pour garantir le sérieux de l’opération.

La distribution presque inconsidérée et gratuite d’appuis amène encore une fois, comme pour l’aide alimentaire et autre aide, à des non-engagements, des abus et des mauvaises habitudes qui seront après très difficiles à éradiquer. Ils sont la preuve certaines expériences de financement de micro-entreprises de la part de personnes physiques, des privés, qui serait le seul processus pour garantir une vraie durabilité.

Ces privés sont actuellement devant des personnes qui semblent leur dire « si tu ne donnes pas l’argent je vais chez quelqu’un d’autre qui en donne». Nous avons donc là l’effet négatif le plus important et qui portera à la faillite de l’appui à la micro entreprise fait par des projets « pressés » de démontrer une réussite même si elle ne sera que très temporaire. Faute évidemment et également de donateurs aveugles de la situation dans le pays d’intervention, mais aussi de ce qui se passe dans leur propre pays. Parfois on arrive même à soupçonner si ce n’est pas une manière pour maintenir le pays dans la pauvreté, espérons que pas.

 

Tester et mettre en œuvre des modèles de développement faits maison

Peut-être un jour on essayera de tester et mettre en œuvre des modèles de développement faits maison qui tiennent compte des aspects socio-économiques du terrain au lieu de reproduire toujours des modèles occidentaux qu’on dit « simplifiés » et introduits dans bien de domaines, sans résultats probants (voir aussi les études du LASDEL : En outre, les partenaires qui introduisent ces réformes à des échelles variées, chacun avec son propre agenda, ses propres protocoles, ses propres exigences, perturbent le déroulement quotidien des activités.). Cela pour autant que les donateurs acceptent des propositions maison au lieu d’imposer leurs systèmes qui, même en occident, sont loin de donner les résultats escomptés.

Exemple à partir d’une étude LASDEL sur école et santé : Un processus d’amélioration de la qualité de la prise en charge des patients a été mené à l’hôpital régional de Tahoua à partir de 2013. Une étude menée par le LASDEL (Hamani 2016) a signalé cette initiative locale intéressante centrée sur la production et la tenue de dossiers médicaux. En effet, ce CHR, où jusque-là les dossiers dans les services étaient quasi inexistants ou très mal tenus, a amélioré significativement ses résultats (baisse du taux de décès dans les premières 24 heures de 17% à 3,2%). Le directeur a entrepris la création d’un dossier médical unique, non pas importé mais conçu sur place par une équipe d’infirmiers et de médecins, avec un suivi mensuel opéré par l’équipe, sans véritables ressources additionnelles. Cette expérience mériterait des investigations supplémentaires. Mais elle nous oriente déjà vers une piste de solutions alternatives aux modèles importés, émanant au contraire des contextes locaux, élaborées par les personnels de santé de la ligne de front.

L’envie de s’enrichir extrêmement vite

L’autre effet négatif est l’envie de s’enrichir extrêmement vite qui ont beaucoup de micro entreprises et le plus souvent par des machines et des équipements « modernes » dont on a trouvé les publicités sur les plates-formes sociales. Des machines luisantes ne garantissent pas la réussite et moins encore une bonne production. Les machines peuvent aider et contribuent certainement à la réussite, mais ne sont pas « la réussite » sauf pour les fausses entreprises qui ne produisent rien mais pavanent dans les symposiums, aimées par certains bailleurs de fonds qui se font ainsi de la publicité.

La primauté devrait aller à l’entreprise qui donne le plus d’emplois, formels ou informels, et qui rend le maximum de services aux populations. La primauté devrait aller aux jeunes entrepreneurs, filles et garçons, femmes et hommes qui souhaitent prendre en main leur vie en produisant quelque chose, donc en créant de la richesse contrairement aux commerçants qui ne font qu’enrichir eux-mêmes.

Chères micro entreprises : je vous honore, je vous respecte, vous êtes certainement le vrai futur du pays, je travaille pour cela depuis 40 ans, mais je vous mets en garde aussi. N’espérez en rien. L’État, même quand il a de la bonne volonté, ne pourra pas faire beaucoup de choses.

 

Les projets doivent servir d’appui

Les projets doivent servir d’appui et ce n’est pas eux qui vont faire fonctionner l’entreprise à votre place. Commencez très petit pour que les erreurs ne vous coûtent pas trop cher parce qu’aucune entreprise n’avance sans erreurs, l’important est avoir la force de se relever.

Si par exemple vous voulez faire de l’aviculture commencez avec 5 ou 10 poules. Conseillez-vous avec des gens qui savent vraiment et concrètement. Sur 10 poules quelques-unes vont probablement mourir, vous allez comprendre pourquoi et ne plus faire ces erreurs quand vous en aurez 50 et ainsi de suite.

Allez aux foires où vous allez rencontrer des personnes qui font le même métier. Visitez d’autres élevages. Évitez les symposiums où on ne fait que des mots, cela ne vous servira pas à grand-chose si ce n’est faire de la publicité à ceux qui les ont promus.

Apprenez qu’un entrepreneur se lève à l’aube et se couche à 23 heures, c’est une des conditions de réussite parce que tout travail sur le papier se fait la nuit, la journée on bosse.

Ici dans le Sahel choisissez si possible des métiers qui aident à augmenter la richesse de la population, si vous n’enrichissez pas le peuple vous n’aurez personne à qui vendre vos produits.

Sachez que celui qui nettoie les rues doit être honoré parce qu’il a droit à plus de Dou’a que celui qui salit en jetant par terre les déchets. Il n’y a donc presque pas de mauvaise et de bonne entreprise. La mauvaise entreprise est celle dont le promoteur se promène avec des chaussures noires luisantes. La bonne entreprise est celle où le promoteur féconde son chemin avec la sueur qui tombe de son front.

Source: Paolo Giglio/ Crédits Photos Samira Sabou

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